Il n’y a rien d’étonnant à ce que le récent rapport du vérificateur général sonne l’alarme concernant l’absence de politique pour recouvrer les revenus perdus provenant d’évasion fiscale par le biais de services bancaires extraterritoriaux. Chaque année, le Canada perd 8 millions de dollars en recettes à cause d’une économie clandestine croissante de capital non réglementé : les paradis fiscaux. Pour placer les choses en perspective, les coûts d’exploitation du gouvernement fédéral en 2011-2012 pour 130 ministères, organismes et sociétés d’état qui fournissent des services aux Canadiens et aux Canadiennes — y compris les salaires, les avantages sociaux, les installations, l’équipement, les fournitures et les déplacements — se sont établis à 80 millards de dollars.

Cela signifie que la totalité des frais d’exploitation du gouvernement fédéral pourrait être financée par les sommes perdues en échappatoires fiscales extraterritoriales. Les économies que le gouvernement actuel tente d’obtenir en rognant sur les dépenses publiques sont presque négligeables en comparaison des sommes perdues dans la colonne des recettes du grand livre.

Dans la gestion de ses affaires fiscales, le gouvernement a adopté pour démarche de réduire les services aux Canadiens et aux Canadiennes sous prétexte de responsabilité financière. Il demande aux Canadiens et aux Canadiennes de s’attendre à moins et aux générations futures, d’accepter un niveau de vie inférieur à celui de leurs parents. Et pourtant, il accorde à ses amis du milieu des affaires un laisser-passer pour une fraude fiscale estimée à 80 milliards de dollars.

Au cours des 30 dernières années, la Barbade, les Îles Caïmans, l’Irlande, le Luxembourg et les Bermudes sont devenus de populaires zones étrangères permettant le secret des opérations pour les investissements canadiens extraterritoriaux. Même si le Canada possède le plus faible taux d’imposition des sociétés des pays du G7, cela ne suffit pas pour certaines entreprises, banques et familles riches canadiennes qui emploient des méthodes comptables illégales et des filiales étrangères pour éviter de payer des impôts.

Cela préoccupe l’ACAF et ses membres parce que les paradis fiscaux déplacent le fardeau sur le dos de la classe moyenne, obligeant ainsi les Canadiens et les Canadiennes qui travaillent d’arrache-pied, notamment nos membres, à absorber le fardeau par un taux d’imposition plus élevé et des compressions salariales. L’évasion fiscale par le virement de revenus dans des établissements extraterritoriaux érode la base du revenu du Canada.

Cette possibilité de perte de revenus a des conséquences réelles pour les Canadiens et les Canadiennes. Chaque jour, les citoyens et les citoyennes dépendent de programmes et de services qui sont la cible de contraintes budgétaires. Comme pays, nous assumons des risques inutiles en faisant fi de fonctions de surveillance cruciales. Nous avons tous et toutes constaté les conséquences du sous-financement de l’inspection des aliments, de la sécurité du transport ferroviaire et de la responsabilité financière. Dans l’avenir, les Canadiens et les Canadiennes auront besoin de ressources importantes pour prendre soin de la population vieillissante, moderniser les infrastructures qui s’érodent et satisfaire aux exigences en matière d’accroissement de la sécurité.

Pour relever tous ces défis, il existe une solution qui ne nécessite pas l’augmentation des impôts, la diffamation des travailleurs et travailleuses des services publics ou la réduction de services nécessaires pour les Canadiens et les Canadiennes : il s’agit de doter l’Agence du revenu du Canada (ARC) des outils et des ressources voulus pour percevoir des fraudeurs de l’impôt. L’ARC n’est, à l’heure actuelle, pas apte à traiter des cas extraterritoriaux complexes valant des millions de dollars et à enquêter sur eux, souligne le vérificateur général dans son rapport. Ces sommes importantes contribueraient grandement à équilibrer le budget, à réduire la dette nationale et, également, à offrir aux Canadiens et aux Canadiennes les services et les salaires dont ils ont besoin. Si le gouvernement comprend vraiment l’importance de lutter contre les paradis fiscaux, il investira dans l’intégrité de notre système fiscal et la capacité de l’ARC d’assurer la conformité.

Nos membres, en leur qualité d’agents financiers et de citoyens concernés, sont conscients de la valeur d’une surveillance financière adéquate. Nous constatons les préjudices sociaux et financiers que les paradis fiscaux causent aux contribuables et à la société.

Si le gouvernement n’a rien de mieux à offrir que de nous obliger à réduire nos attentes pendant que les paradis fiscaux pour le 1 % prospèrent, c’est inacceptable. Il faut faire valoir par l’entremise de notre voix collective que nous voulons mieux que ça. Il faut que le gouvernement soit juste et novateur. Les gouvernements doivent prendre conscience que la composition démographique de notre pays a changée et que, par conséquent, la solution doit, elle aussi, changer. Les gouvernements de toute allégeance doivent faire en sorte que chacun, chacune, paie sa juste part d’impôts.

L’ACAF continuera de promouvoir de plus grands investissements dans la capacité financière et de plus fortes mesures pour combattre l’évasion fiscale.

 

17/12/2013